Lettre de David Venegas Reyes

Publié le par patxi

Lettre de David Venegas Reyes

 

«Le mouvement social qui secoue aujourd’hui l’Oaxaca est l’expression du profond

mécontentement que les habitants éprouvent suite aux agressions, aux abus passés et présents, au despotisme de tous les gouvernements successifs...

La répression déchaînée le 14 juin 2006 par le gouverneur Ulises Ruiz contre le mouvement démocratique des enseignants a incontestablement constitué le détonateur du soulèvement populaire, mais il est tout aussi vrai que l’indignation provoquée par les agissements de ce criminel n’a fait que s’ajouter, dans un effet boule neige, aux cris réclamant la justice.

Tandis que les mères de famille s’insurgeaient, outragées devant l’agression dont étaient victimes ces instituteurs qui ont contribué à l’éducation de leurs enfants, on a pu les voir également protester contre l’injustice économique et sociale que connaissent les familles de travailleurs de l’Oaxaca et qu’elles-mêmes subissent de plein fouet, en tant que mères et épouses dans leur foyer. De la même manière, les communautés indiennes et métisses sont parties prenantes du mouvement avec leurs griefs ancestraux contre l’invasion de leurs territoires, le caciquisme, les projets autoritaires et l’agression contre leur culture et leurs formes d’organisation communautaire autonome. En milieu urbain, ce sont les jeunes, dont l’identité collective se construit dans les quartiers, dans la musique, dans les vêtements ou

dans l’art, telles les bandes de "cholos", punks, taggeurs, squatteurs, qui ont

systématiquement fait l’objet de persécutions, de discriminations, de viols et de violence (...) et, bien entendu, les travailleurs, organisés ou non dans les syndicats (...), les groupes exclus et marginalisés, tels les prostitué(e)s, les homosexuels, les lesbiennes et autres amours (...) qui ont permis que leurs griefs s’ajoutent au cri collectif de justice et de liberté pour tous et pour toutes. (...) La cohabitation forcée au sein du mouvement et la nécessité de s’organiser et de se comprendre a entraîné ce qui semblait impossible : cela a permis d’abattre les barrières des préjugés et de la ségrégation mutuelle des Oaxaquiens et des Oaxaquiennes en lutte. Quand cela s’est produit, nous nous sommes aperçus que nous n’étions pas si différents et que de telles différences dans la pensée et dans la manière d’être sont enrichissantes et contribuent à former le joli tapis bigarré fait de fil de toutes les textures et couleurs auquel ressemble la société oaxaquienne. Dans le feu de la lutte sociale et autour des brasiers et des pneus en flammes, autour d’une tasse de café, nous avons entrevu qu’un monde où puissent exister tous les mondes était possible.

Les méthodes et stratégies particulières que le mouvement a produit au cours de ces mois de luttes, au moment des piquets campements, des occupations, des barricades, des mégamarches et des stations de radio libre, ont appris quelque chose au monde (...). L’installation de barricades pour protéger la population contre les escadrons de la mort, ces actions pratiques, donc, ont montré aux émeutiers qu’il est possible de vivre et de coexister au sein d’un ordre social émanant de la volonté collective, (...) un ordre social au sein duquel les valeurs sont la fraternité, la solidarité, la coopération et la défense communautaire (...) Le mouvement a donné envie à des milliers de femmes et d’hommes de saisir cette occasion de lutter pour des causes justes et honnêtes et pour construire un monde meilleur (...). »

 

Lettre du 23 avril 2007 de David Venegas Reyes, prisonnier politique, conseiller de l’APPO et membre de VOCAL (Voix de Oaxaca Construisant l'Autonomie et la Liberté ).

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